Sahel: La Russie Renforce son Soutien Militaire à l'AES
Lors d'une rencontre à New York, Sergueï Lavrov réaffirme l'engagement russe auprès du Burkina Faso, du Mali et du Niger dans la lutte antiterroriste et le développement économique

La Russie a clairement affiché son engagement à soutenir l'Alliance des États du Sahel (AES) dans sa lutte contre le terrorisme. Cette position a été réaffirmée lors d'une rencontre de haut niveau tenue à New York le 24 septembre 2025, en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, y a rencontré ses homologues du Burkina Faso, du Mali et du Niger, les trois pays constituant cette alliance régionale formée en réponse aux défis sécuritaires communs.
Une consultation bilatérale institutionnalisée
Cette réunion s'inscrit dans le cadre du mécanisme de consultation bilatérale établi à Moscou en avril 2025, témoignant d'une formalisation croissante des relations entre la Russie et l'AES. Ce format institutionnalisé permet des échanges réguliers et structurés sur les différents aspects de la coopération, allant du domaine militaire aux questions économiques et diplomatiques.
"Ce mécanisme de consultation représente une évolution significative dans les relations entre la Russie et les pays du Sahel," explique un expert en relations internationales spécialisé sur l'Afrique. "Il traduit une volonté de pérenniser et d'approfondir un partenariat qui était jusqu'à récemment plus ponctuel et moins structuré."
La rencontre de New York a permis d'évaluer les avancées réalisées depuis l'établissement de ce cadre de coopération et de définir les prochaines étapes d'un partenariat qui prend une ampleur croissante dans la région sahélienne.
Un soutien militaire affirmé
Le ministre Lavrov n'a laissé planer aucun doute sur la détermination de Moscou à appuyer militairement l'AES. Il a clairement indiqué que "la Russie continuera de fournir le soutien opérationnel nécessaire pour le renforcement des capacités des forces de défense et de sécurité" des trois pays sahéliens.
Cette déclaration intervient dans un contexte où ces pays ont rompu leurs liens militaires avec leurs partenaires occidentaux traditionnels, notamment la France, et cherchent à diversifier leurs alliances stratégiques. La Russie s'est positionnée comme une alternative crédible, proposant un soutien militaire sans les conditionnalités politiques souvent associées à l'aide occidentale.
Le ministre russe a particulièrement insisté sur "l'importance de la stabilisation et de l'intégrité territoriale" de l'espace sahélien, faisant écho aux préoccupations majeures des gouvernements de l'AES confrontés à des menaces terroristes persistantes et à des défis séparatistes dans certaines régions.
Vers une force unifiée de l'AES
L'un des points saillants évoqués lors de cette rencontre concerne la mise en œuvre de la future force unifiée de l'Alliance des États du Sahel. Le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a notamment mentionné "la récente réunion des ministres de la Défense de l'AES à Moscou", qui aurait permis de "prendre des résolutions importantes" concernant cette force commune.
Cette initiative militaire conjointe représente une évolution majeure dans la coopération sécuritaire entre les trois pays sahéliens. Elle vise à mutualiser leurs ressources et à coordonner leurs efforts dans la lutte contre les groupes armés terroristes qui opèrent à travers leurs frontières poreuses.
"La création d'une force unifiée de l'AES marquerait un tournant dans l'approche sécuritaire régionale," analyse un spécialiste des questions militaires au Sahel. "Elle permettrait une meilleure coordination opérationnelle, un partage plus efficace du renseignement et une capacité de projection de force accrue dans les zones frontalières particulièrement vulnérables."
Le soutien russe à cette initiative pourrait se matérialiser sous diverses formes : assistance technique pour la mise en place du commandement unifié, formation des états-majors conjoints, fourniture d'équipements standardisés, ou encore appui logistique pour les opérations transfrontalières.
Une coopération qui s'étend au domaine économique
Si la dimension sécuritaire occupe le devant de la scène, la rencontre de New York a également permis d'aborder les aspects économiques de la coopération entre la Russie et l'AES. Les deux parties ont "réitéré leur volonté de renforcer la coopération commerciale", élargissant ainsi le champ du partenariat au-delà des questions militaires.
Cette diversification des domaines de coopération répond à une préoccupation majeure des pays de l'AES : éviter une relation exclusivement centrée sur la sécurité et développer des partenariats économiques susceptibles de contribuer à leur développement à long terme.
Plusieurs secteurs économiques pourraient bénéficier de cette coopération renforcée :
- L'énergie, avec l'expertise russe dans les domaines pétrolier, gazier et nucléaire
- Les infrastructures, notamment les transports et les télécommunications
- L'agriculture, secteur vital pour les économies sahéliennes
- L'exploitation minière, domaine où la Russie dispose d'une expertise reconnue
- La formation technique et professionnelle, pour renforcer les capacités locales
"La Russie propose un modèle de coopération qui combine sécurité et développement économique," observe un économiste spécialisé sur les questions africaines. "Cette approche holistique répond aux attentes des gouvernements sahéliens qui cherchent à diversifier leurs partenariats internationaux tout en préservant leur souveraineté."
Un contexte géopolitique en pleine mutation
Cette rencontre entre Sergueï Lavrov et ses homologues sahéliens s'inscrit dans un contexte géopolitique régional en profonde transformation. Les échanges ont d'ailleurs porté sur "la situation politique et sécuritaire régionale et les relations de l'AES avec les organisations africaines".
Plusieurs dynamiques caractérisent actuellement la région :
- Le retrait des forces occidentales traditionnelles, notamment françaises, des pays du Sahel
- L'émergence de nouvelles alliances régionales, comme l'AES, qui redessinent la carte géopolitique
- La montée en puissance de nouveaux acteurs internationaux, dont la Russie mais aussi la Chine et la Turquie
- Les tensions entre les pays de l'AES et certaines organisations régionales comme la CEDEAO
- La persistance et l'évolution de la menace terroriste, avec des groupes qui adaptent leurs stratégies
"Nous assistons à une reconfiguration majeure des équilibres géopolitiques au Sahel," analyse un chercheur en relations internationales. "La Russie y joue un rôle croissant, proposant une alternative aux partenariats traditionnels et s'inscrivant dans une logique de multipolarité qui trouve un écho favorable auprès des gouvernements actuels de la région."
Cette évolution s'accompagne de défis diplomatiques significatifs, notamment dans les relations entre les pays de l'AES et leurs voisins ouest-africains, ainsi qu'avec les organisations régionales comme la CEDEAO dont ils se sont distanciés.
Perspectives et implications
Le renforcement du partenariat entre la Russie et l'Alliance des États du Sahel soulève plusieurs questions quant à son évolution future et ses implications régionales et internationales.
Durabilité du partenariat
La pérennité de cette alliance dépendra de plusieurs facteurs :
- - La capacité de la Russie à maintenir son engagement sur le long terme, malgré ses propres contraintes géopolitiques et économiques
- - L'efficacité du soutien russe dans l'amélioration tangible de la situation sécuritaire au Sahel
- - L'évolution politique interne des pays de l'AES et leur capacité à stabiliser leurs institutions
- - Les réactions et adaptations des autres acteurs internationaux présents dans la région
"La question centrale est celle de la durabilité de cet engagement russe," souligne un analyste politique. "Moscou dispose-t-elle des ressources et de la volonté politique pour maintenir un soutien significatif sur le long terme, particulièrement dans un contexte où ses priorités stratégiques pourraient évoluer ?"
Impact sur la lutte antiterroriste
L'efficacité de cette coopération dans la lutte contre les groupes terroristes sera déterminante pour sa légitimité auprès des populations sahéliennes. Plusieurs défis devront être relevés :
- - L'adaptation des doctrines et équipements militaires russes au contexte spécifique du Sahel
- - La coordination entre les différentes forces nationales et la future force unifiée de l'AES
- - La prise en compte des dimensions non militaires de la lutte antiterroriste (développement, gouvernance)
- - La protection des civils dans les zones d'opération
"L'expérience russe en matière de contre-insurrection, notamment en Syrie et dans le Caucase, diffère considérablement du contexte sahélien," note un expert militaire. "Son adaptation aux réalités locales sera cruciale pour l'efficacité des opérations."
Réactions internationales
Le renforcement de la présence russe au Sahel suscite des réactions contrastées sur la scène internationale :
- - Inquiétude des puissances occidentales traditionnellement influentes dans la région
- - Observation attentive de la part d'autres acteurs comme la Chine et la Turquie
- - Positions nuancées des organisations régionales africaines
- - Débats au sein des instances multilatérales comme l'ONU
"Cette évolution s'inscrit dans une tendance plus large de diversification des partenariats internationaux en Afrique," observe un diplomate africain. "Elle reflète la volonté croissante des États africains d'exercer leur souveraineté dans le choix de leurs alliances stratégiques."
La rencontre de New York entre Sergueï Lavrov et les ministres des Affaires étrangères de l'AES marque ainsi une étape significative dans la reconfiguration des équilibres géopolitiques au Sahel. Elle confirme l'ancrage durable de la Russie dans cette région stratégique et sa volonté d'y jouer un rôle de premier plan, tant sur le plan sécuritaire qu'économique et diplomatique.
Alors que la région continue de faire face à des défis sécuritaires majeurs, l'évolution de ce partenariat et son impact concret sur la stabilisation du Sahel seront suivis avec attention par l'ensemble des acteurs concernés par l'avenir de cette zone névralgique du continent africain.