Expropriation à Missolè 1 : Les populations dénoncent un 'jeu de dupes

Les populations expropriées au profit du Port Autonome de Douala dénoncent des irrégularités et réclament une évaluation équitable de leurs biens.

Expropriation à Missolè 1 : Les populations dénoncent un 'jeu de dupes

Le Collectif Missolè 1, représentant les propriétaires terriens expropriés dans le cadre de l’extension des activités du Port Autonome de Douala (PAD), monte au créneau pour dénoncer des pratiques qu’il qualifie d’injustes et opaques. Alors que le gouvernement camerounais a déclaré d’utilité publique près de 500 hectares de terres pour un projet portuaire, les indemnisations proposées aux victimes soulèvent colère et incompréhension. Retour sur un dossier épineux où les promesses de développement économique se heurtent aux droits des populations locales.  

Une déclaration d’utilité publique aux contours flous

Tout commence le 15 mai 2024 avec l’arrêté n°1253 du Ministère des Domaines (Minocaf), déclarant d’utilité publique une zone de 50 hectares à Missolè 1. Rapidement, les limites initiales sont dépassées, intégrant 40 hectares supplémentaires sans qu’une copie de l’arrêté complémentaire (n°2434) ne soit communiquée aux concernés.  

Les propriétaires, sommés de remettre leurs titres fonciers contre une simple décharge, se retrouvent face à une liste anonyme et non datée des biens impactés. Pire, des enquêtes complémentaires en février 2025 laissent planer le doute sur la transparence du processus.  

Un projet à marche forcée

Alors que les expropriations sont en cours, le PAD signe dès septembre 2024 un partenariat avec la société indienne ARISE pour créer la Douala Port Integrated Industrial Platform (DPIIP). Les terres confisquées serviront d’apport en nature au capital de cette nouvelle entité, révélant une précipitation qui interroge.  

Des décrets inéquitables

Le 13 mars 2025, un décret présidentiel officialise l’expropriation de 475 hectares, suivi le 24 mars d’un décret du Premier ministre fixant les indemnités. Problème :  

  • - Le montant total alloué (1,2 milliard de FCFA, soit 84 F/m²) est dérisoire face aux prix du marché (dépassant 10 000 F/m²).  
  • - Des titres fonciers mentionnés dans un décret sont absents de l’autre.  
  • - Aucune méthode de calcul n’est communiquée, et les indemnisations ignorent souvent la valeur des terrains, se limitant aux cultures et constructions.  

Les griefs : opacité et inégalités

Le Collectif Missolè 1 pointe du doigt :  

  1. . Des omissions criantes: Des titres fonciers validés par le décret présidentiel sont exclus du décret d’indemnisation, et inversement.  
  2. . Des évaluations biaisées : Cultures et constructions sont sous-estimées, voire ignorées.  
  3. . Un mépris des procédures : Les recours grâcieux adressés au Minocaf et au Premier ministre sont restés sans réponse.  

III. Les demandes : justice et équité

Face à cette situation, les expropriés réclament :  

  • - Une réévaluation des indemnités conforme aux prix du marché, permettant de se "recaser" ailleurs.  
  • - La prise en compte de l’inflation dans l’évaluation des biens détruits.  
  • - La reconnaissance du préjudice moral subi par des familles déplacées contre leur gré.  

« Nous soutenons le développement du pays, mais pas au détriment de nos droits fondamentaux », insiste un membre du Collectif.  

Alors que le Collectif a déposé un recours en annulation du décret d’indemnisation, le dossier Missolè 1 pourrait devenir un test pour les politiques d’expropriation au Cameroun. Entre enjeux économiques et justice sociale, les autorités devront trancher : l’utilité publique justifie-t-elle tous les sacrifices ?